Sur le chemin de la couverture de santé universelle en RDC : Espoir, Rêve et Raison !

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Sur le chemin de la couverture de santé universelle en RDC : Espoir, Rêve et Raison !

 

Ces trois dernières années nous avons assisté à des changements importants concernant le système de protection sociale des congolais. Il s’agit notamment du vote de:

la loi du 15 juillet 2016 relative au régime général de la sécurité sociale, elle traite de la mutation de l’ancien Institut National de Sécurité Sociale (INSS) en Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS) et de l’élargissement de ses compétences aux personnels de l’Etat, aux mandataires publics etc...
Et à cela il faudrait ajouter les innovations importantes : les allocations familiales étendues à tout le pays, l’adaptation de la pension de survivants et la création des allocations prénatales etc....

Il y a lieu de préciser que tous ces changements ne concernent que les assujettis à la sécurité sociale.

Dans le même registre, il y a lieu d’épingler deux autres initiatives de portée hautement politique qui traduisent le souhait constant des autorités du pays, et qui sont plus que d’autres porteuses d’un réel espoir pour une Couverture Sanitaire Universelle(CSU) en RDC:

Il s’agit d’une part de la loi du 08 février 2017 qui détermine les principes fondamentaux relatifs à la mutualité, votée sous la législature précédente.

Et d’autre part, de la nomination récente par le Président de la République d’un Conseiller Spécial en Couverture de Santé Universelle.

Pour cerner la pertinence de ces initiatives, il est important de décrire la situation actuelle qui se caractérise par une absence d’un système d’assurance maladie étatique et qui en pratique se distingue par la coexistence de deux catégories : le secteur formel et informel.

1) le secteur formel

Cette catégorie qui concerne tous les travailleurs salariés en RDC, trouve une forme de couverture sanitaire sur base l’article 178 du code travail Congolais.

Cette disposition oblige les employeurs à fournir les soins médicaux aux travailleurs et aux membres de leur famille durant toute la période contractuelle. Et ce système a permis de créer une forme de couverture sanitaire atypique. La convention est signée sur base forfaitaire ou en fonction des prestations entre les employeurs et les Centres des soins. Ainsi les travailleurs sont ménagés de faire les paiements directs en cas de maladie, ce qui réduirait fondamentalement leur panier de la ménagère.

2) le secteur informel

Cette deuxième catégorie concerne le reste de la population à savoir : les travailleurs non déclarés, les chômeurs, les catégories non définies, les retraités, les indépendants etc.....
Selon le rapport de L’Office Fédéral des Migrations Suisse, le secteur informel regroupe au moins 70 % des actifs congolais.[1]

Cette catégorie reste la plus importante de la population tant dans son ensemble que dans sa partie active.

Ces personnes doivent non seulement payer de leur poche la totalité de frais liés aux soins de santé mais aussi elles sont confrontées au paiement direct de ces soins. Ce qui est une source d’appauvrissement. Certaines d’entre-elles ont créé des mutuelles de santé afin de s’assurer en cas de maladie. Cependant ces initiatives restent encore minoritaires malgré les encouragements de l’Etat au travers du programme national de promotion des mutuelles de santé.

Et c’est dans ce contexte que la loi du 08 février 2017 qui détermine les principes fondamentaux relatifs à la mutualité, a été votée.

Une législation qui est très importante car elle pose les bases d’un principe de solidarité, elle organise et définit les rôles des mutuelles. Elle pose également la première pierre de la création d’une couverture de santé étatique d’autant plus que l’Etat à travers le Ministre de la sécurité sociale, est l’organe de tutelle. Et en outre, il va subventionner ces mutuelles au prorata du nombre des membres réels.

Elle prévoit une assurance obligatoire pour toute personne offrant la possibilité de rétention à la source. Et une assurance facultative pour le secteur informel.

En légiférant ainsi sur les mutualités, l’Etat lance un signal fort à l’attention des assureurs privés. Il se choisit l’intermédiaire avec lequel, il va travailler. La couverture de santé des congolais serait d’abord une affaire de l’Etat au travers des associations sans but lucratif que sont les mutuelles.

Dans la configuration sociétale actuelle, laisser l’assurance maladie aux mains des sociétés d’assurances serait renforcé l' écart entre les riches et les pauvres. C’est prendre le risque de se retrouver après des années avec une grande partie de la population sans assurance maladie et qu’il faudrait essayer de couvrir au travers d'un système d’assurance privée comme aux Etats Unis.

Ces initiatives des pouvoirs publics méritent les encouragements car elles posent les bases d’un système de couverture sanitaire qui tiennent compte des réalités sociétales congolaises :

Cette loi a comme objectif majeur de mutualiser le secteur informel, qui représente la grande partie de la population longtemps négligée, dans le système de protection sociale congolaise.

De plus, en tenant compte des difficultés financières de la RDC, le choix des mutuelles comme étant les intermédiaires de santé, est judicieux.

Aux Etats Unis par exemple, dans le cadre de l’Obamacare, le gouvernement travaille avec les compagnies d’assurances privées qui retiennent 20 % de leur financement pour leurs frais de fonctionnement.

Par contre en Belgique, ce sont des associations sans but lucratif. La loi leur permet de retenir 2,5% de leur financement et de l’affecter aux frais de fonctionnement.

Notre avis est que, l’option mutualiste reste la plus adaptée pour la RDC où du reste, la libéralisation récente du secteur d’assurances ouvre la voie à la loi du marché et du plus offrant. "Le meilleur produit, au plus offrant" alors que la couverture sanitaire proposée doit être le moyen de réduire la pauvreté, elle doit être accessible à tous et son coût doit être réaliste pour le gouvernement.

Sur ce chemin où les bases d’une couverture de santé universelle sont entrain d’être posées, il y a un autre acte politique de portée symbolique importante. C’est la nomination d’un Conseiller Spécial en Couverture de Santé Universelle. Elle est la matérialisation de la volonté politique du Président de la République, d’offrir à tous les congolais, la possibilité de se doter d’une assurance maladie.

Toutefois, la volonté politique à elle seule ne suffit pas. Elle est la première étape d’un long processus qui va prendre plusieurs années. D’ailleurs, dans tous les pays du monde, les organisations qui militent pour la couverture de santé universelle, se fixent des objectifs renouvelables pour une durée de plus de 10 ans. Et en outre, les pays qui ont décidé d’une couverture universelle pour leur population, ont eu besoin d’un nombre d’années pour couvrir la grande partie de la population.

La Colombie par exemple, a attendu plus 20 ans et après plusieurs ajustements de la loi pour atteindre une couverture étatique de 96 % de la population. Il faudrait être donc réaliste pour le cas de la RDC. Et intégrer à l’esprit que dans un pays continent comme le nôtre, avec un budget limité[2] , des territoires minés par les conflits armés, une population non recensée et à +ou-37% analphabète[3] , la couverture universelle n’est possible que de manière progressive et sur une période échelonnée.

En outre, il est certain que l’objectif d’une couverture sanitaire universelle ne peut être atteint que par une mesure de contrainte. L’assurance maladie doit être obligatoire pour tous. Et ensuite l’Etat peut graduellement se doter de moyens de couvrir l’ensemble des citoyens.

On peut commencer par la couverture d’une branche de la population. Par exemple les enfants de 0 à 5 ans.

Il semble évident qu’une personne qui vit dans la pauvreté va difficilement s’affilier  à une mutuelle, si petite soit la cotisation. Elle doit y être légalement obligée. Et sa contribution mutuelle doit être payée par l’Etat. C’est la voie réaliste pour arriver à une couverture de santé universelle.




 Patrick Ndjadi Ombombo
 Expert en Couverture Soins de Santé
 Administrateur de CRAMU RDC
 patrickndjadi@cramurdc.org
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